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II


Du reste, comme il faut des héros pour la guerre,
Le roi cassant le Cid, a trouvé bon d’en faire :
Il en a fait. L’Espagne a des hommes nouveaux.
Alvar Rambla, le duc Nuno Saz y Calvos,
Don Gil, voilà les noms dont la foule s’effare ;
Ils sont dans la lumière, ils sont dans la fanfare ;
Leur moindre geste s’enfle au niveau des exploits ;
Et, dans leur antichambre, on entend quelquefois
Les pages, d’une voix féminine et hautaine,
Dire : — Ah oui-da, le Cid ! C’était un capitaine
D’alors. Vit-il encor, ce Campéador-là ?

Le Cid n’existe plus auprès d’Alvar Rambla ;
Gil, plus grand que le Cid, dans son ombre le cache ;
Nuno Saz engloutit le Cid sous son panache ;
Sur Achille tombé les myrmidons ont crû ;
Et du siècle du Cid le Cid a disparu.

L’exil, est-ce l’oubli vraiment ? une mémoire
Qu’un prince étouffe, est-elle éteinte pour la gloire ?