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Qu’il ait rempli du bruit de ses fiers pas vainqueurs
Astorga, Zamora, l’Aragon, tous les cœurs ;
Qu’il ait traqué, malgré les gouffres et les piéges,
L’horrible Abdulmalic dans la sierra des Neiges,
En janvier, sans vouloir attendre le dégel ;
Qu’il ait osé défendre aux notaires d’Urgel
De dater leurs contrats de l’an du roi de France ;
Que cet homme ait pour tous été la délivrance,
Allant, marchant, courant, volant de tous côtés,
Effarant l’ennemi dans ces rapidités ;
Qu’on l’ait vu sous Lorca, figure surhumaine,
Et devant Balbastro, dans la même semaine ;
Qu’il ait, sur la tremblante échelle des hasards,
Calme, donné l’assaut à tous les alcazars,
Toujours ferme, et toujours, à Tuy comme à Valence,
Fier dans le tourbillon sombre des coups de lance,
C’est possible ; mais l’ombre est sur cet homme-là ;
Silence. Est-ce après tout grand’chose que cela ?
Le pont Matamoros peut vous montrer ses brèches,
Mais s’il parle du Cid vainqueur, bravant les flèches,
On fera démolir le pont Matamoros !
Le roi ne veut pas plus qu’on nomme le héros
Que le pape ne veut qu’on nomme la comète ;
Il n’est pas démontré que l’aigle se permette
De faire encor son nid dans ce mont Muradal
Qui fit de Tizona la sœur de Durandal.