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Et nous nous coucherons sur vous en vous rongeant,
Comme vous vous couchez, maîtres, sur vos provinces.
C’est vous les faux bandits et c’est nous les vrais princes.
Vous, et vos légions, vous, et vos escadrons,
40Quand nous y penserons et quand nous le voudrons,
Ô princes, nous ferons de cela des squelettes.
Lâches, vous frissonnez devant des amulettes ;
Mais nous, les seuls puissants, nous maîtres des sommets,
Nous rugissons toujours et ne prions jamais ;
45Car nous ne craignons rien. Puisqu’on nous a faits bêtes,
N’importe qui peut bien exister sur nos têtes
Sans que nous le sachions et que nous y songions.
Vous les rois, le ciel noir, plein de religions,
Vous voit, mains jointes, vils, prosternés dans la poudre ;
50Mais, tout rempli qu’il est de tempête et de foudre,
De rayons et d’éclairs, il ne sait pas si nous,
Qui sommes les lions, nous avons des genoux.

Ainsi les fiers lions parlaient aux rois farouches.
Ce verbe monstrueux rugissait dans leurs bouches,
55Et les bois demandaient aux monts : Qu’est-ce que c’est ?
Soudain on entendit une voix qui disait :

— Vous êtes les lions, moi je suis Dieu. Crinières,
Ne vous hérissez pas, je vous tiens prisonnières.
Toutes vos griffes sont, devant mon doigt levé,
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