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Il est le seul debout ; il songe ; le sang coule,
Le sang fume, le sang est partout ; sombre, il va.

Tout à coup au détour de la Via Corva,
Il aperçoit dans l’ombre une femme inconnue ;
Une morte étendue à terre toute nue,
Corps terrible aux regards de tous prostitué
Et dont le ventre ouvert montre un enfant tué.

Alors il crie : — Ô ciel ! un enfant ! guerre affreuse !
Où donc s’arrêtera le gouffre qui se creuse ?
Massacrer l’inconnu, l’enfant encor lointain !
Supprimer la promesse obscure du destin !
Mais on poussera donc l’horreur jusqu’au prodige !
Mais vous êtes hideux et stupides, vous dis-je !
Mais c’est abominable, ô ciel ! ciel éclatant !
Et les bêtes des bois n’en feraient pas autant !
Qu’on ait tort et raison des deux côtés, qu’on fasse
Au fond le mal, croyant bien faire à la surface,
Vous êtes des niais broyant des ignorants,
Cette justice-là, c’est bien, je vous la rends ;
Je vous hais et vous plains. Mais, quoi ! quand l’empyrée
Attend du nouveau-né l’éclosion sacrée,
Quoi ! ces soldats, ces rois, sans savoir ce qu’ils font,
Touchent avec leur main sanglante au ciel profond !
Ils interrompent l’ombre ébauchant son ouvrage !