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Osa propager l’art du sorcier de Mayence,
Et jeter à la foule un Virgile imprimé ;
C’est Pierre Albin ; l’oubli sur lui s’est refermé ;
Cet autre est un voleur, cet autre est un poëte.
Derrière leur tragique et noire silhouette,
L’azur luit, le soir vient, l’aube blanchit le ciel ;
Le vent, s’il entre là, sort pestilentiel ;
Chacun d’eux sous le croc du sépulcre tournoie ;
Et tous, que juin les brûle ou que janvier les noie,
S’entreheurtent, fameux, chétifs, obscurs, marquants,
Et sont la même nuit dans les mêmes carcans ;
Le craquement farouche et massif des traverses
Accompagne leurs chocs sous les âpres averses,
Et, comble de terreur, on croirait par instant
Que le cadavre, au gré des brises s’agitant,
Avec son front sans yeux et ses dents sans gencives,
Rit dans la torsion des chaînes convulsives ;
L’exécrable charnier, sous ses barres de fer,
Regardant du côté de Rome et de l’enfer,
Dans l’étrange épaisseur des brumes infinies
Semble chercher au loin ses sœurs les gémonies,
Et demander au gouffre où nul astre n’a lui
Si Josaphat sera plus sinistre que lui ;
Et toujours, au-dessus des clochers et des dômes,
Le vent lugubre joue avec tous ces fantômes,
Hier, demain, le jour, la nuit, l’été, l’hiver ;
Et ces morts sans repos, où fourmille le ver
Plus que l’abeille d’or dans le creux des yeuses,