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Qu’à travers une vaste et large claire-voie
De poutres, dont chacune est un sanglant barreau ;
On dirait que Satan, l’infâme ange bourreau,
Dont la rage et la joie et la haine, acharnées,
Exécutent Adam depuis six mille années,
Sur ces fauves piliers a posé de sa main
La grande claie où fut traîné le genre humain.
C’est, dans l’obscurité lugubrement émue,
De la terreur, bâtie en pierre, et qui remue ;
C’est délabré, croulant, lépreux, désespéré ;
Les poteaux ont pour toit le vide ; le degré
Aboutit à l’échelle et l’échelle aux ténèbres ;
Le crépuscule passe à travers des vertèbres
Et montre dans la nuit des pieds aux doigts ouverts ;
Entre les vieux piliers, de moisissure verts,
Blêmes quand les rayons de lune s’y répandent,
Là-haut, des larves vont et viennent, des morts pendent,
Et la fouine a rongé leur crâne et leur fémur,
Et leur ventre effrayant se fend comme un fruit mûr ;
Si la mort connaissait les trépassés, si l’homme
Valait que le tombeau sût comment il se nomme,
Si l’on comptait les grains du hideux chapelet,
On dirait : — Celui-ci, c’est Tryphon, qui voulait
Fêter le jour de Pâques autrement qu’Irénée ;
Ceux-là sont des routiers, engeance forcenée,
Gueux qui contre le sceptre ont croisé le bâton ;
Cet autre, c’est Glanus, traducteur de Platon ;
Celui-ci, que des lois frappa la prévoyance,