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Mêle une clameur sourde aux vents, et continue
En râle obscur le bruit des souffles dans la nue ;
Là grince le rouet sinistre du cordier.
Du cadavre au squelette on peut étudier
Le progrès que les morts font dans la pourriture ;
Chaque poteau chargé d’un corps sans sépulture
Marque une date abjecte, et chaque madrier
Semble le signe affreux d’un noir calendrier.

La nuit il semble croître, et dans le crépuscule
Il a l’air d’avancer sur Paris qui recule.

Rien de plus ténébreux n’a jamais été mis
Sur ce tas imbécile et triste de fourmis
Que la hautaine histoire appelle populace.
Ô pâle humanité, quand donc seras-tu lasse ?

Lugubre vision ! au-dessus d’un mur blanc
Quelque chose d’informe et qui paraît tremblant
Se dresse ; chaos morne et ténébreux ; broussaille
De silence, d’horreur et de nuit qui tressaille ;
On ne voit le nuage, et l’ombre aux vagues yeux,
Et le blêmissement formidable des cieux,
Et la brume qui flotte, et l’astre qui flamboie,