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Le fer, peuvent avoir de la bête féroce,
Il l’a ; ses piliers bruts, runes d’un dogme atroce,
Semblent des Irmensuls livides, et ses blocs
Dans l’obscurité vague ébauchent des Molochs ;
Baal pour le construire a donné ses solives
Où flottaient des anneaux que secouaient les dives,
Saturne ses crochets, Teutatès ses menhirs ;
Tous les cultes sanglants ont là leurs souvenirs ;
Si le lierre ou le houx dans ses dalles végète,
Si quelque ronce y croît, la feuille horrible jette
Une ombre onglée et noire, affreux stigmate obscur,
Qui ressemble aux cinq doigts du bourreau sur le mur.
Vil bâtiment des temps fatals fatal complice !
Il est la colonnade immonde du supplice,
L’échafaud que le Louvre a pour couronnement,
La caresse au tombeau, l’insulte au firmament ;
Et cette abominable et fétide bâtisse
Devant le ciel sacré se nomme la Justice,
Et ce n’est pas la moindre horreur du monument
De s’appeler l’autel en étant l’excrément.
Morne, il confine moins aux Paris qu’aux Sodomes.
Spectre de pierre ayant au front des spectres d’hommes,
Inexorable plus que l’airain et l’acier,
Il est, il vit, farouche et sans se soucier
Que le monde à ses pieds souffre, existe ou périsse,
Et contre on ne sait quoi dans l’ombre il se hérisse ;
À de certains moments ce charnier qui se tait
Frissonne, et comme si, triste, il se lamentait,