Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 1.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Du front du peuple obscur chasser les nouveautés.
Sauver l’Église, ô roi, c’est vous sauver vous-même.
L’État devient plus fort par la terreur qu’il sème,
Et par le tremblement du peuple s’affermit ;
Toujours, quand elle eut peur, la foule se soumit.
Il n’est qu’un droit : régner. Le nécessaire est juste.
Les quatre grands baillis du roi Philippe-Auguste,
Toutes les vieilles lois, c’est trop peu désormais ;
Pour arrêter le mal, sur de hautains sommets,
Il faut la permanence étrange de l’exemple ;
Sire, les schismes vont à l’attaque du temple ;
Le peuple semble las d’être sur les genoux ;
La révolte est sur vous, l’hérésie est sur nous ;
D’où viennent ces essaims tumultueux d’idées ?
Des profondeurs que nul prophète n’a sondées,
Peut-être de la nuit, ou peut-être du ciel.
Parlons bas. Écoutez, roi providentiel.
Rien n’est plus effrayant que ces sombres descentes
D’instincts nouveaux parmi les foules frémissantes ;
Ces chimères d’en haut s’abattant tout à coup
Volent, courent, s’en vont, reviennent, sont partout,
Ouvrent les yeux fermés, fouillent les têtes pleines,
Se mêlent aux esprits, se mêlent aux haleines,
Blessent les dogmes saints dans l’ombre, et, fatal jeu,
Frappent l’homme endormi de mille becs de feu ;
Elles tentent, troublant le mystère où nous sommes,
Un travail inconnu sur le cerveau des hommes,
Leur ôtant quelque chose et leur donnant aussi ;