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Interroge le foie et le cœur des moutons,
Et tende dans la nuit ses deux mains à tâtons,
C’est son affaire ; moi soldat, j’ai pour augure
Le Glaive, et c’est par lui que je me transfigure.
Combattre, c’est démence ? Ah ! soyons insensés !
Je sais bien que ce prince est effrayant, je sais
Que du vaisseau qu’il monte un démon tient la barre ;
Ces Mèdes sont hideux, et leur flotte barbare
Fait fuir éperdûment la flottante Délos ;
Ils ont bouleversé la mer, troublé ses flots,
Et dispersé si loin devant eux les écumes
Que l’eau de l’Hellespont va se briser à Cumes ;
Je sais cela. Je sais aussi qu’on peut mourir.


Un prêtre.


Ce n’est point pour l’Hadès, trop pressé de s’ouvrir,
Que la nature, source et principe des choses,
Tend sa triple mamelle à tant de bouches roses ;
Elle n’a point pour but le monstrueux tombeau ;
Elle hait l’affreux Mars soufflant sur son flambeau ;
Tendre, elle donne, au seuil des jours pleins de chimères,
Pour berceuse aux enfants l’espérance des mères,
Et le glaive farouche est par elle abhorré
Quand elle fait jaillir des seins le lait sacré.