Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 1.djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De Corinthe, et vous tous, princes et chefs, sachez
Que les dieux sont sur nous à cette heure penchés ;
Tandis que ce conseil hésite, attend, varie,
Je vois poindre une larme aux yeux de la patrie ;
La Grèce en deuil chancelle et cherche un point d’appui.
Rois, je sais que tout ment, demain trompe aujourd’hui,
Le jour est louche, l’air est fuyant, l’onde est lâche ;
Le sort est une main qui nous tient, puis nous lâche ;
J’estime peu la vague instable ; mais je dis
Qu’un gouffre est moins souvent sous des pieds plus hardis
Et qu’il faut traiter l’eau comme on traite la vie,
Avec force et dédain ; et, n’ayant d’autre envie
Que la bataille, ô Grecs, je la voudrais tenter !
Il est temps que les cœurs renoncent à douter,
Et tout sera perdu, peuple, si tu n’opposes
La fermeté de l’homme aux trahisons des choses.
Nous sommes de fort près par Némésis suivis,
Tout penche, et c’est pourquoi je vous dis mon avis.
Restons dans ce détroit. Ce qui me détermine,
C’est de sauver Mégare, Égine et Salamine,
Et je trouve prudent en même temps que fier
De protéger la terre en défendant la mer.
L’immense roi venu des ténèbres profondes
Est sur le tremblement redoutable des ondes,
Qu’il y reste, et luttons corps à corps. Rois, je veux
Prendre aux talons celui qui nous prend aux cheveux,
Et frapper cet Achille à l’endroit vulnérable.
Que l’augure, appuyé sur son sceptre d’érable,