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II

LE DÉNOMBREMENT


 
On se mettait en route à l’heure où le jour naît.

Le bagage marchait le premier, puis venait
Le gros des nations, foule au hasard semée,
Qui faisait à peu près la moitié de l’armée.
Dire leurs noms, leurs cris, leurs chants, leurs pas, leur bruit,
Serait vouloir compter les souffles de la nuit ;
Les peuples n’ont pas tous les mêmes mœurs ; les Scythes,
Qui font à l’Occident de sanglantes visites,
Vont tout nus ; le Macron, qui du Scythe est rival,
A pour casque une peau de tête de cheval
Dont il a sur le front les deux oreilles droites ;
Ceux de Paphlagonie ont des bottes étroites
De peau tigrée, avec des clous sous les talons,
Et leurs arcs sont très-courts et leurs dards sont très-longs ;
Les Daces, dont les rois ont pour palais un bouge,
Ont la moitié du corps peinte en blanc, l’autre en rouge,
Le Sogde emmène en guerre un singe, Béhémos,
Devant lequel l’augure inquiet dit des mots
Ténébreux, et pareils aux couleuvres sinistres ;
On voit passer parmi les tambours et les cistres
Les deux sortes de fils du vieil Éthiopus,
Ceux-ci les cheveux plats, ceux-là les fronts crépus ;