Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 1.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ici la Cimmérie, au-delà la Northumbre,
Au delà l’âpre hiver, l’horreur, les glaciers nus,
Et les monts ignorés sous les cieux inconnus ;
Après l’inhabitable on voit l’infranchissable ;
La neige fait au Nord ce qu’au Sud fait le sable ;
Le pâle genre humain se perd dans la vapeur ;
Le Caucase est hideux, les Dofrines font peur ;
Au loin râle, en des mers d’où l’hirondelle émigre,
Thulé sous son volcan comme un daim sous un tigre.
Au pôle, où du corbeau l’orfraie entend l’appel,
Les cent têtes d’Orcus font un blême archipel,
Et, pareils au chaos, les océans funèbres
Roulent cette nuit, l’eau, sous ces flots, les ténèbres ;
L’Asie en ce sépulcre a la couronne au front ;
Nulle part son pouvoir sacré ne s’interrompt ;
Elle règne sur tous les peuples qu’on dénombre ;
Et tout ce qui n’est point à l’Asie est à l’ombre,
À la nuit, au désert, au sauvage aquilon ;
Toutes les nations rampent sous son talon
Ou grelottent au Nord, sous la bise et la pluie ;
Mais la Grèce est un point lumineux qui l’ennuie ;
Il se pourrait qu’un jour cette clarté perçât,
Et rendît l’espérance à l’univers forçat ;
L’Asie obscure et vaste en frémit sous son voile ;
Et l’énorme noirceur cherche à tuer l’étoile.