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Il se hérisse ; l’ombre aux animaux le mêle ;
Il déchoit ; plus de femme, il n’a qu’une femelle ;
Plus d’enfants, des petits ; l’amour qui le séduit
Est fils de l’Indigence et de l’Air de la nuit ;
Tous ses instincts sacrés à la fange aboutissent ;
Les rois, après l’avoir fait taire, l’abrutissent,
Si bien que le bâillon est maintenant un mors.
Et sans l’homme pourtant les horizons sont morts ;
Qu’est la création sans cette initiale ?
Seul sur la terre il a la lueur faciale ;
Seul il parle ; et sans lui tout est décapité.
Et l’on vit poindre aux yeux du faune la clarté
De deux larmes coulant comme à travers la flamme.
Il montra tout le gouffre acharné contre l’âme ;
Les ténèbres croisant leurs funestes rameaux,
Et la forêt du sort et la meute des maux.
Les hommes se cachant, les dieux suivant leurs pistes.
Et, pendant qu’il chantait toutes ces strophes tristes,
Le grand souffle vivant, ce transfigurateur,
Lui mettait sous les pieds la céleste hauteur ;
En cercle autour de lui se taisaient les Borées ;
Et, comme par un fil invisible tirées,
Les brutes, loups, renards, ours, lions chevelus,
Panthères, s’approchaient de lui de plus en plus ;
Quelques-unes étaient si près des dieux venues,
Pas à pas, qu’on voyait leurs gueules dans les nues.