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L’âme inconnue et sombre a des vices d’esclave ;
Puisqu’on lui met un mont sur elle, elle en sort lave ;
Elle brûle et ravage au lieu de féconder.
Et dans le chant du faune on entendait gronder
Tout l’essaim des fléaux furieux qui se lève.
Il dit la guerre ; il dit la trompette et le glaive ;
La mêlée en feu, l’homme égorgé sans remord,
La gloire, et dans la joie affreuse de la mort
Les plis voluptueux des bannières flottantes ;
L’aube naît ; les soldats s’éveillent sous les tentes ;
La nuit, même en plein jour, les suit, planant sur eux ;
L’armée en marche ondule au fond des chemins creux ;
La baliste en roulant s’enfonce dans les boues ;
L’attelage fumant tire, et l’on pousse aux roues ;
Cris des chefs, pas confus ; les moyeux des charrois
Balafrent les talus des ravins trop étroits.
On se rencontre, ô choc hideux ! les deux armées
Se heurtent, de la même épouvante enflammées,
Car la rage guerrière est un gouffre d’effroi.
Ô vaste effarement ! chaque bande a son roi.
Perce, épée ! ô cognée, abats ! massue, assomme !
Cheval, foule aux pieds l’homme, et l’homme, et l’homme et l’homme !
Hommes, tuez, traînez les chars, roulez les tours ;
Maintenant, pourrissez, et voici les vautours !
Des guerres sans fin naît le glaive héréditaire ;
L’homme fuit dans les trous, au fond des bois, sous terre ;
Et, soulevant le bloc qui ferme son rocher,
Écoute s’il entend les rois là-haut marcher ;