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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.

C’est trop peu d’être blanc, le lis était candide ;
Rien n’avait de souillure et rien n’avait de ride ;
Jours purs ! rien ne saignait sous l’ongle et sous la dent ;
La bête heureuse était l’innocence rôdant ;
Le mal n’avait encor rien mis de son mystère
Dans le serpent, dans l’aigle altier, dans la panthère ;
Le précipice ouvert dans l’animal sacré
N’avait pas d’ombre, étant jusqu’au fond éclairé ;
La montagne était jeune et la vague était vierge ;
Le globe, hors des mers dont le flot le submerge,
Sortait beau, magnifique, aimant, fier, triomphant,
Et rien n’était petit quoique tout fût enfant ;
La terre avait, parmi ses hymnes d’innocence,
Un étourdissement de sève et de croissance ;
L’instinct fécond faisait rêver l’instinct vivant ;
Et, répandu partout, sur les eaux, dans le vent,
L’amour épars flottait comme un parfum s’exhale ;
La nature riait, naïve et colossale ;
L’espace vagissait ainsi qu’un nouveau-né.
L’aube était le regard du soleil étonné.

III



Or, ce jour-là, c’était le plus beau qu’eût encore
Versé sur l’univers la radieuse aurore ;