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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.

Car les sphinx ont l’œil faux, la coupe a le vin traître. »

Et la lampe parla sur cet ordre du maître :

« Après avoir eu Tyr, Babylone, Ilion,
Et pris Delphe à Thésée et l’Athos au lion,
Conquis Thèbe, et soumis le Gange tributaire,
Ninus le fratricide est perdu sous la terre ;
Il est muré, selon le rite assyrien,
Dans un trou formidable où l’on ne voit plus rien.
Où ? Qui le sait ? Les puits sont noirs, la terre est creuse.
L’homme est devenu spectre. À travers l’ombre affreuse,
Si le regard de ceux qui sont vivants pouvait
Percer jusqu’au lit triste au lugubre chevet
Où gît ce roi, jadis éclair dans la tempête,
On verrait, à côté de ce qui fut sa tête,
Un vase de grès rouge, un doigt de marbre blanc ;
Adam le trouverait à Caïn ressemblant.
La vipère frémit quand elle s’aventure
Jusqu’à cette effrayante et sombre pourriture ;
Il est gisant ; il dort ; peut-être qu’il attend.

Par moments, la Mort vient dans sa tombe, apportant
Une cruche et du pain qu’elle dépose à terre ;
Elle pousse du pied le dormeur solitaire,