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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.

Et son nom fait pâlir parmi les Kassburdars
Le sophi devant qui flottent sept étendards ;
Il règne ; et le morceau qu’il coupe de la terre
S’agrandit chaque jour sous son noir cimeterre ;
Il foule les cités, les achète, les vend,
Les dévore ; à qui sont les hommes, Dieu vivant ?
À lui, comme la paille est au bœuf dans l’étable.

*


Cependant, il s’ennuie. Il est seul à sa table,
Le trône ne pouvant avoir de conviés ;
Grandeur, bonheur, les biens par la foule enviés,
L’alcôve où l’on s’endort, le sceptre où l’on s’appuie,
Il a tout ; c’est pourquoi ce tout-puissant s’ennuie ;
Ivre, il est triste.

Ivre, il est triste. Il vient d’épuiser les plaisirs ;
Il a donné son pied à baiser aux vizirs ;
Sa musique a joué les fanfares connues ;
Des femmes ont dansé devant lui toutes nues ;
Il s’est fait adorer par un tas prosterné
De cheiks et d’ulémas décrépits, étonné
Que la barbe fût blanche alors que l’âme est vile ;
Il s’est fait amener, des prisons de la ville,