Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 1.djvu/241

Cette page a été validée par deux contributeurs.
215
ÉVIRADNUS.



XVI

Ce qu’ils font devient plus difficile à faire



Est là béant. Portant Mahaud, qui dort toujours,
Ils marchent lents, courbés, en silence, à pas sourds,
Zéno tourné vers l’ombre et Joss vers la lumière ;
La salle aux yeux de Joss apparaît tout entière ;
Tout à coup il s’arrête, et Zéno dit : « Eh bien ? »
Mais Joss est effrayant ; pâle, il ne répond rien
Et fait signe à Zéno, qui regarde en arrière… —
Tous deux semblent changés en deux spectres de pierre ;
Car tous deux peuvent voir, là, sous un cintre obscur,
Un des grands chevaliers rangés le long du mur
Qui se lève et descend de cheval ; ce fantôme,
Tranquille sous le masque horrible de son heaume,
Vient vers eux, et son pas fait trembler le plancher :
On croit entendre un dieu de l’abîme marcher ;
Entre eux et l’oubliette, il vient barrer l’espace,
Et dit, le glaive haut et la visière basse,
D’une voix sépulcrale et lente comme un glas :
« Arrête, Sigismond ! Arrête, Ladislas ! »