Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 1.djvu/230

Cette page a été validée par deux contributeurs.
204
LA LÉGENDE DES SIÈCLES.

Zéno pâlit. Mais Joss : « Ça, des aïeux ! J’en ris.
Tous ces bonshommes noirs sont des nids de souris.
Pardieu ! pendant qu’ils ont l’air terrible, et qu’ils songent,
Écoutez, on entend le bruit des dents qui rongent.
Et dire qu’en effet autrefois tout cela
S’appelait Ottocar, Othon, Platon, Bela !
Hélas ! la fin n’est pas plaisante, et déconcerte.
Soyez donc ducs et rois ! je ne voudrais pas, certe,
Avoir été colosse, avoir été héros,
Madame, avoir empli de morts des tombereaux,
Pour que, sous ma farouche et fière bourguignotte,
Moi, prince et spectre, un rat paisible me grignote !

— C’est que ce n’est point là votre état, dit Mahaud.
Chantez, soit ; mais ici ne parlez pas trop haut.

— Bien dit, reprend Zéno. C’est un lieu de prodiges.
Et, quant à moi, je vois des serpentes, des stryges,
Tout un fourmillement de monstres, s’ébaucher
Dans la brume qui sort des fentes du plancher. »

Mahaud frémit.

Mahaud frémit. « Ce vin que l’abbé m’a fait boire,
Va bientôt m’endormir d’une façon très-noire ;
Jurez-moi de rester près de moi.