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ÉVIRADNUS.

Les mailles sur leurs flancs croisent leurs durs tricots ;
Le mortier des marquis près des tortils ducaux
Rayonne, et sur l’écu, le casque et la rondache,
La perle triple alterne avec les feuilles d’ache ;
La chemise de guerre et le manteau de roi
Sont si larges, qu’ils vont du maître au palefroi ;
Les plus anciens harnais remontent jusqu’à Rome ;
L’armure du cheval sous l’armure de l’homme
Vit d’une vie horrible, et guerrier et coursier
Ne font qu’une seule hydre aux écailles d’acier.

L’histoire est là ; ce sont toutes les panoplies
Par qui furent jadis tant d’œuvres accomplies ;
Chacune, avec son timbre en forme de delta,
Semble la vision du chef qui la porta ;
Là sont les ducs sanglants et les marquis sauvages
Qui portaient pour pennons au milieu des ravages
Des saints dorés et peints sur des peaux de poissons.
Voici Geth, qui criait aux Slaves : « Avançons ! »
Mundiaque, Ottocar, Platon, Ladislas Cunne,
Welf, dont l’écu portait : « Ma peur se nomme Aucune. »
Zultan, Nazamystus, Othon le Chassieux ;
Depuis Spignus jusqu’à Spartibor-aux-trois-yeux,
toute la dynastie effrayante d’Antée
Semble là sur le bord des siècles arrêtée.