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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.

En vain le ciel s’essouffle, en vain Janvier se rue ;
En vain tous les passants de cette sombre rue
Qu’on nomme l’infini, l’ombre et l’immensité,
Le tourbillon, d’un fouet invisible hâté,
Le tonnerre, la trombe où le typhon se dresse,
S’acharnent sur la fière et haute forteresse ;
L’orage la secoue en vain comme un fruit mûr ;
Les vents perdent leur peine à guerroyer ce mur,
Le Fôhn bruyant s’y lasse, et sur cette cuirasse
L’Aquilon s’époumonne et l’Autan se harasse,
Et tous ces noirs chevaux de l’air sortent fourbus
De leur bataille avec le donjon de Corbus.

Aussi, malgré la ronce et le chardon et l’herbe,
Le vieux burg est resté triomphal et superbe ;
Il est comme un pontife au cœur du bois profond ;
Sa tour lui met trois rangs de créneaux sur le front ;
Le soir, sa silhouette immense se découpe ;
Il a pour trône un roc, haute et sublime croupe ;
Et, par les quatre coins, sud, nord, couchant, levant,
Quatre monts, Crobius, Bléda, géants du vent,
Aptar où croît le pin, Toxis que verdit l’orme,
Soutiennent au-dessus de sa tiare énorme
Les nuages, ce dais livide de la nuit.

Le pâtre a peur, et croit que cette tour le suit ;