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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.

Relevée en tombant, sa chemise d’acier
Laisse nu son poitrail de prince carnassier,
Cadavre au ventre horrible, aux hideuses mamelles,
Et l’on voit le dessous de ses noires semelles.

Les sept princes vivants regardent les trois morts.

Et, pendant ce temps-là, lâchant rênes et mors,
Le pauvre enfant sauvé fuyait vers Compostelle.

Durandal brille et fait refluer devant elle
Les assaillants, poussant des souffles d’aquilon ;
Toujours droit sur le roc qui ferme le vallon,
Roland crie au troupeau qui sur lui se resserre :

« Du renfort vous serait peut-être nécessaire.
Envoyez-en chercher. À quoi bon se presser ?
J’attendrai jusqu’au soir avant de commencer.

— Il raille ! Tous sur lui ! dit Jorge, et pêle-mêle !
Nous sommes vautours ; l’aigle est notre sœur jumelle ;
Fils, courage ! et ce soir, pour son souper sanglant,
Chacun de nous aura son morceau de Roland.