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ce !
Grâce, ô Dieu ! L’univers, les terres et les eaux,
L’éther sans bornes, plein d’invisibles oiseaux,
Les glauques océans qui font rugir leurs ondes,
L’énormité vivante où rayonnent les mondes,
Quoi ! c’est une balance où nous pesons tous deux ;
Qu’en dites-vous, soleils ; Lui charmant, moi hideux !
Quoi ! lui dans un plateau, soleils, et moi dans l’autre !
La chair est ma servante et l’âme est son apôtre.
Je lutte. Nous tenons chacun notre côté.
Avoir l’infini, c’est avoir l’égalité.
Ton paradis ne fait qu’équilibre à mon bagne.
Dieu ! — la création ainsi qu’une montagne,
Pèse sur moi ; je lève à travers les chaos
Mon front d’où mes douleurs retombent en fléaux ;
Je me tords sans repas, sans fin, sans espérance.
C’est une majesté qu’une telle souffrance.
Oui, c’est l’énigme, ô nuit, de tes millions d’yeux :
Le grand souffrant fait face au grand mystérieux.
Grâce, ô Dieu ! pour toi-même il faut que je l’obtienne.
Ma perpétuité fait ombre sur la tienne.
Devant ton œil flambeau rien ne doit demeurer,
Tout doit changer, vieillir et se transfigurer.
Toi seul vis. Devant toi tout doit avoir un âge.
Et c’est pour ta splendeur un importun nuage
Qu’on voie un spectre assis au fond de ton ciel bleu,
Et l’éternel Satan devant l’éternel Dieu !