Page:Hugo - La Fin de Satan, 1886.djvu/247

Cette page n’a pas encore été corrigée


Nuit ! ô nuit ; tout frémit, même le prêtre louche.
Et soudain, à ce cri qui sort de cette bouche :
— Elohim ; Elohim ; lamma sabacthani ! —
On voit un tremblement au fond de l’infini,
Et comme un blême éclair qui tressaille et qui sombre
Dans l’immobilité formidable de l’ombre.



Et pendant que les cœurs, les mains jointes, les yeux,
Sont éperdus devant ce gibet monstrueux,
Pendant que, sous la brume épouvantable où tremble
Ce crime qui contient tous les crimes ensemble,
Brume où Judas recule, où chancelle la croix,
Où le centurion s’étonne et dit : je crois ;
Pendant que, sous le poids de l’action maudite,
Sous Dieu saignant, l’effroi du genre humain médite,
Des voix parlent, on voit des songeurs bégayants,
La pitié se déchire en récits effrayants.
La tradition, fable errante qu’on recueille,
Entrecoupée ainsi que le vent dans la feuille,
Apparaît, disparaît, revient, s’évanouit,
Et, tournoyant sur l’homme en cette étrange nuit,
La légende sinistre, éparse dans les bouches,
Passe, et dans le ciel noir vole en haillons farouches ;
Si bien que cette foule humaine a la stupeur
Du fait toujours présent là-haut dans la vapeur,
Vrai, réel, et pourtant traversé par des rêves.


………………………………………….
«