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Si longtemps enchaînés qu’il les dresse avec peine.
— Cet arbre est un poteau, dit-il. Il y promène
Ses doigts par la torture atroce estropiés ;
Et tout à coup, hagard, pâle, il tâte des pieds.
Comme un hibou surpris rentre sous la feuillée,
Il retire sa main ; elle est toute mouillée ;
Ces pieds sont froids, un clou les traverse, et de sang
Et de fange et d’horreur tout le bois est glissant ;
Barabbas éperdu recule ; son œil s’ouvre
Epouvanté, dans l’ombre épaisse qui le couvre,
Et, par degrés, un blême et noir linéament
S’ébauche à son regard sous l’obscur firmament ;
C’est une croix.

                           En bas on voit un vase où plonge
Une touffe d’hysope entourant une éponge ;
Et, sur l’affreux poteau, nu, sanglant, les yeux morts,
Le front penché, les bras portant le poids du corps,
Ceint de cordes de chanvre autour des reins nouées,
Le flanc percé, les pieds cloués, les mains clouées,
Meurtri, ployé, pendant, rompu, défiguré,
Un cadavre apparaît, blanc, et comme éclairé
De la lividité sépulcrale du rêve ;
Et cette croix au fond du silence s’élève.

Barabbas, comme un homme en sursaut réveillé,
Tressaillit. C’était bien un gibet, froid, souillé,
Effroyable, fixé par des coins dans le sable.
Il regarda. L’horreur était inexprimable ;