Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 4.djvu/289

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ayez pitié. Oui ! pitié de vous ! car les multitudes agonisent, et le bas en mourant fait mourir le haut. La mort est une cessation qui n’excepte aucun membre. Quand la nuit vient, personne ne garde son coin de jour. Êtes-vous égoïstes ? Sauvez les autres. La perdition du navire n’est indifférente à aucun passager. Il n’y a pas naufrage de ceux-ci sans qu’il y ait engloutissement de ceux-là. Oh ! sachez-le, l’abîme est pour tous.

Le rire redoubla, irrésistible. Du reste, pour égayer une assemblée, il suffisait de ce que ces paroles avaient d’extravagant.

Être comique au dehors, et tragique au dedans, pas de souffrance plus humiliante, pas de colère plus profonde. Gwynplaine avait cela en lui. Ses paroles voulaient agir dans un sens, son visage agissait dans l’autre ; situation affreuse. Sa voix eut tout coup des éclats stridents.

— Ils sont joyeux, ces hommes ! C’est bon. L’ironie fait face l’agonie. Le ricanement outrage le râle. Ils sont tout-puissants ! C’est possible. Soit. On verra. Ah ! je suis un des leurs. Je