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qui a repoussé l’enfant, engloutissant les mains jointes des naufragés, refusant toutes leurs supplications et n’acceptant d’eux que leur repentir, la tempête recevant un dépôt des mains de la mort, le robuste navire où était le forfait remplacé par la fiole fragile où est la réparation, la mer changeant de rôle, comme une panthère qui se ferait nourrice, et se mettant à bercer, non l’enfant, mais sa destinée, pendant qu’il grandit ignorant de tout ce que le gouffre fait pour lui, les vagues, à qui a été jetée la gourde, veillant sur ce passé dans lequel il y a un avenir, l’ouragan soufflant dessus avec bonté, les courants dirigeant la frêle épave à travers l’insondable itinéraire de l’eau, les ménagements des algues, des houles, des rochers, toute la vaste écume de l’abîme prenant sous sa protection un innocent, l’onde imperturbable comme une conscience, le chaos rétablissant l’ordre, le monde des ténèbres aboutissant à une clarté, toute l’ombre employée à cette sortie d’astre, la vérité ; le proscrit consolé dans sa tombe, l’héritier rendu à l’héritage,