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L’isthme de Portland, il y a deux cents ans, était un dos d’âne de sable avec une épine vertébrale de rocher.

Le danger, pour l’enfant, changea de forme. Ce que l’enfant avait à craindre dans la descente, c’était de rouler au bas de l’escarpement ; dans l’isthme, ce fut de tomber dans des trous. Après avoir eu affaire au précipice, il eut affaire à la fondrière. Tout est chausse-trappe au bord de la mer. La roche est glissante, la grève est mouvante. Les points d’appui sont des embûches. On est comme quelqu’un qui met le pied sur des vitres. Tout peut brusquement se fêler sous vous. Fêlure par où l’on disparaît. L’océan a des troisièmes dessous comme un théâtre bien machiné.

Les longues arêtes de granit auxquelles s’adosse le double versant d’un isthme sont d’un abord malaisé. On y trouve difficilement ce qu’on appelle en langage de mise en scène des praticables. L’homme n’a aucune hospitalité à attendre de l’océan, pas plus du rocher que de la vague ; l’oiseau et le poisson seuls sont prévus par la mer. Les isthmes particulièrement sont dénudés