Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mentes boréales est silencieux. Ce qu’on dit quelquefois du chat, « il jure », on peut le dire de cet éclair-là. C’est une menace de gueule entr’ouverte, étrangement inexorable. La tempête de neige, c’est la tempête aveugle et muette. Quand elle a passé, souvent les navires aussi sont aveugles, et les matelots muets.

Sortir d’un tel gouffre est malaisé.

On se tromperait pourtant de croire le naufrage absolument inévitable. Les pêcheurs danois de Disco et du Balesin, les chercheurs de baleines noires, Hearn allant vers le détroit de Behring reconnaître l’embouchure de la Rivière de la mine de cuivre, Hudson, Mackensie, Vancouver, Ross, Dumont d’Urville, ont subi, au pôle même, les plus inclémentes bourrasques de neige, et s’en sont échappés.

C’est dans cette espèce de tempête-là que l’ourque était entrée à pleines voiles et avec triomphe. Frénésie contre frénésie. Quand Montgomery, s’évadant de Rouen, précipita à toutes rames sa galère sur la chaîne barrant la Seine à la Bouille, il eut la même effronterie.

La Matutina courait. Son penchement sous