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grégation était un péage. Péage du cadavre à la rafale, à la pluie, à la rosée, aux reptiles, aux oiseaux. Toutes les sombres mains de la nuit avaient fouillé ce mort.

C’était on ne sait quel étrange habitant, l’habitant de la nuit. Il était dans une plaine et sur une colline, et il n’y était pas. Il était palpable et évanoui. Il était de l’ombre complétant les ténèbres. Après la disparition du jour, dans la vaste obscurité silencieuse, il devenait lugubrement d’accord avec tout. Il augmentait, rien que parce qu’il était là, le deuil de la tempête et le calme des astres. L’inexprimable, qui est dans le désert, se condensait en lui. Épave d’un destin inconnu, il s’ajoutait toutes les farouches réticences de la nuit. Il y avait dans son mystère une vague réverbération de toutes les énigmes.

On sentait autour de lui comme une décroissance de vie allant jusqu’aux profondeurs. Il y avait dans les étendues environnantes une diminution de certitude et de confiance. Le frisson des broussailles et des herbes, une mélancolie désolée, une anxiété où il semblait qu’il y eût de la conscience, appropriaient tragiquement tout le