Page:Hugo - L'Art d'être grand-père, 1877.djvu/220

Cette page n’a pas encore été corrigée


Et que la nymphe écoute en tremblant dans son lit,
La rumeur d’une chasse épouvantable emplit
Toute cette ombre, lac, montagne, bois, prairie,
Et troubla cette vaste et fauve rêverie.
Le hallier s’empourpra de tous les sombres jeux
D’une lueur mêlée à des cris orageux.
On entendait hurler les chiens chercheurs de proies ;
Et des ombres couraient parmi les claires-voies.
Cette altière rumeur d’avance triomphait.
On eût dit une armée ; et c’était en effet
Des soldats envoyés par le roi, par le père,
Pour délivrer le prince et forcer le repaire,
Et rapporter la peau sanglante du lion.
De quel côté de l’ombre est la rébellion,
Du côté de la bête ou du côté de l’homme ?
Dieu seul le sait ; tout est le chiffre, il est la somme.

Les soldats avaient fait un repas copieux,
Étaient en bon état, armés d’arcs et d’épieux,
En grand nombre, et conduits par un fier capitaine.
Quelques-uns revenaient d’une guerre lointaine,
Et tous étaient des gens éprouvés et vaillants.
Le lion entendait tous ces bruits malveillants,
Car il avait ouvert sa tragique paupière ;
Mais sa tête restait paisible sur la pierre,
Et seulement sa queue énorme remuait.