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                         VI

Ils sont les chiens de garde énormes de Paris.
Comme nous pouvons être à chaque instant surpris,
Comme une horde est là, comme l’embûche vile
Parfois rampe jusqu’à l’enceinte de la ville,
Ils sont dix-neuf épars sur les monts, qui, le soir,
Inquiets, menaçants, guettent l’espace noir,
Et, s’entr’avertissant dès que la nuit commence,
Tendent leur cou de bronze autour du mur immense.
Ils restent éveillés quand nous nous endormons,
Et font tousser la foudre en leurs rauques poumons.
Les collines parfois, brusquement étoilées,
Jettent dans la nuit sombre un éclair aux vallées ;
Le crépuscule lourd s’abat sur nous, masquant
Dans son silence un piège et dans sa paix un camp ;
Mais en vain l’ennemi serpente et nous enlace ;
Ils tiennent en respect toute une populace
De canons monstrueux, rôdant à l’horizon.
Paris bivouac, Paris tombeau, Paris prison,
Debout dans l’univers devenu solitude,
Fait sentinelle, et, pris enfin de lassitude,