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Et mets, ô noir vengeur, combattant souverain,
Ton bronze dans mon cœur, mon âme en ton airain.

O canon, tu seras bientôt sur la muraille.
Avec ton caisson plein de boîtes à mitraille,
Sautant sur le pavé, traîné par huit chevaux,
Au milieu d’une foule éclatant en bravos,
Tu t’en iras, parmi les croulantes masures,
Prendre ta place altière aux grandes embrasures
Où Paris indigné se dresse, sabre au poing.
Là ne t’endors jamais et ne t’apaise point.
Et, puisque je suis l’homme essayant sur la terre
Toutes les guérisons par l’indulgence austère,
Puisque je suis parmi les vivants en rumeur,
Au forum ou du haut de l’exil, le semeur
De la paix à travers l’immense guerre humaine,
Puisque vers le grand but où Dieu clément nous mène,
J’ai, triste ou souriant, toujours le doigt levé,
Puisque j’ai, moi, songeur par les deuils éprouvé,
L’amour pour évangile et l’union pour bible,
Toi qui portes mon nom, ô monstre, sois terrible !
Car l’amour devient haine en présence du mal ;
Car l’homme esprit ne peut subir l’homme animal,
Et la France ne peut subir la barbarie ;
Car l’idéal sublime est la grande patrie ;
Et jamais le devoir ne fut plus évident
De faire obstacle au flot sauvage débordant,
Et de mettre Paris, l’Europe qu’il transforme,