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Et je l’irais demain dire à l’hôtel de ville
Si je ne sentais poindre une guerre civile,
O patrie accablée, et si je ne craignais
D’ajouter cette corde affreuse à tes poignets,
Et de te voir traînée autour du mur en flamme,
Dans la fange et le sang, derrière un char infâme,
D’abord par tes vainqueurs, ensuite par tes fils !
Ces fiers Parisiens bravent tous les défis ;
Ils acceptent le froid, la faim, rien ne les dompte,
Ne trouvant d’impossible à porter que la honte ;
On mange du pain noir n’ayant plus de pain bis ;
Soit ; mais se laisser prendre ainsi que des brebis,
Ce n’est pas leur humeur, et tous veulent qu’on sorte,
Et nous voulons nous-mêmes enfoncer notre porte,
Et, s’il le faut, le front levé vers l’orient,
Nous mettre en liberté dans la tombe, en criant :
Concorde ! en attestant l’avenir, l’espérance,
L’aurore ; et c’est ainsi qu’agonise la France !

C’est pourquoi je déclare en cette extrémité
Que l’homme a pour bien faire un cœur illimité,
Qu’il faut copier Sparte et Rome notre aïeule,
Et qu’un peuple est borné par sa lâcheté seule ;
J’écarte le mauvais exemple, ce lépreux ;
A cette heure il nous faut mieux que les anciens preux
Qui souvent s’attardaient trop longtemps aux chapelles ;
Je dis qu’à ton secours, France, tu nous appelles ;
Qu’un courage qui chante au lutrin est bâtard,