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De l’Alsace aux abois, de la Lorraine en sang,
De Metz qu’on vous vendit, de Strasbourg frémissant
Dont vous n’éteindrez pas la tragique auréole,
Vous aurez ce qu’on a des femmes qu’on viole,
La nudité, le lit, et la haine à jamais.

Oui, le corps souillé, froid, sinistre désormais,
Quand on les prend de force en des étreintes viles,
C’est tout ce qu’on obtient des vierges et des villes.

Moissonnez les vivants comme un champ de blé mûr,
Cernez Paris, jetez la flamme à ce grand mur,
Tuez à Châteaudun, tuez à Gravelotte,
O rois, désespérez la mère qui sanglote,
Poussez l’effrayant cri de l’ombre : Exterminons !
Secouez vos drapeaux et roulez vos canons ;
A ce bruit triomphal il manque quelque chose.
La porte de rayons dans les cieux reste close ;
Et sur la terre en deuil pas un laurier ne sent
La sève lui venir de tous ces flots de sang.
Là-haut au loin, le groupe altier des Renommées,
Immobile, indigné, les ailes refermées,
Tourne le dos, se tait, refuse de rien voir,
Et l’on distingue, au fond de ce firmament noir,
Le morne abaissement de leurs trompettes sombres.

Dire que pas un nom ne sort de ces décombres !
O gloire, ces héros comment s’appellent-ils ?