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Tout tremble, et les sept chefs dans la haine s’unissent.

Ils sont là, menaçant Paris. Ils le punissent.
De quoi ? D’être la France et d’être l’univers,
De briller au-dessus des gouffres entr’ouverts,
D’être un bras de géant tenant une poignée
De rayons, dont l’Europe est à jamais baignée ;
Ils punissent Paris d’être la liberté ;
Ils punissent Paris d’être cette cité
Où Danton gronde, où luit Molière, où rit Voltaire ;
Ils punissent Paris d’être âme de la terre,
D’être ce qui devient de plus en plus vivant,
Le grand flambeau profond que n’éteint aucun vent,
L’idée en feu perçant ce nuage, le nombre,
Le croissant du progrès clair au fond du ciel sombre ;
Ils punissent Paris de dénoncer l’erreur,
D’être l’avertisseur et d’être l’éclaireur,
De montrer sous leur gloire affreuse un cimetière,
D’abolir l’échafaud, le trône, la frontière,
La borne, le combat, l’obstacle, le fossé,
Et d’être l’avenir quand ils sont le passé.

Et ce n’est pas leur faute ; ils sont les forces noires.
Ils suivent dans la nuit toutes les sombres gloires,
Caïn, Nemrod, Rhamsés, Cyrus, Gengis, Timour.
Ils combattent le droit, la lumière, l’amour.
Ils voudraient être grands et ne sont que difformes.
Terre, ils ne veulent pas qu’heureuse, tu t’endormes