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                        IV

Les hommes du passé se figurent qu’ils sont.
Ils s’imaginent vivre ; et le travail qu’ils font,
Le glissement visqueux de leurs replis sans nombre,
Leur allée et venue à plat ventre dans l’ombre,
N’est qu’un fourmillement de vers de terre heureux.
Le couvercle muet du sépulcre est sur eux.
Mais, Paris, rien de toi n’est mort, ville sacrée.
Ton agonie enfante et ta défaite crée.
Rien ne t’est refusé ; ce que tu veux sera.
Le jour où tu naquis, l’impossible expira.
Je l’affirme et l’affirme, et ma voix sans relâche
Le redit au parjure, au fourbe, au traître, au lâche,
Grande blessée, ô reine, ô déesse, tu vis.
Ceux qui de tes douleurs devraient être assouvis,
T’insultent ; mais tu vis, Paris ! dans ton artère,
D’où le sang de tout l’homme et de toute la terre
Coule sans s’arrêter, hélas, mais sans finir,
On sent battre le pouls profond de l’avenir.
On sent dans ton sein, mère en travail, ville émue,
Ce foetus, l’univers inconnu, qui remue.
Qu’importe les rieurs sinistres ! Tout est bien.
Sans doute c’est lugubre ; on cherche, on ne voit rien,
Il fait nuit, l’horizon semble être une clôture.