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L’homme est l’homme ; il n’est pas méchant, il n’est pas bon.
Blanc comme neige, point ; noir comme le charbon,
Non. Blanc et noir, mêlé, tigré, douteux, sceptique.
Tout homme médiocre est homme politique.
Cherchons, non la grandeur, mais la proportion.
Agir comme Aristide et comme Phocion,
Etre héroïque, épique et beau, mauvaise affaire.
Le sage au Parthénon en ruine préfère
La hutte confortable et chaude du castor.
Je fréquente Rothschild et fuis Adamastor.
Le titan d’aujourd’hui c’est le millionnaire.
L’homme d’État ne veut rien d’excessif ; vénère
Le vote universel, mais travaille au scrutin ;
Il supprime l’esclave et garde le pantin ;
Il conserve le fil tout en brisant la chaîne.
Les hommes sont petits, leur conscience est naine ;
L’homme d’État leur prend mesure avant d’oser ;
Il s’ôte une vertu qui peut les dépasser ;
Il les étonne, mais sans foudre et sans vertiges ;
A leur dimension il leur fait des prodiges.
Ami, le médiocre est un très bon endroit,
Ni beau, ni laid, ni haut, ni bas, ni chaud, ni froid ;
Moi, la raison, j’y fais mon lit, j’y mets ma table,
Et j’y vis, le sublime étant inhabitable.
Qui donc prend pour logis la cime du Mont-Blanc ?
Le sage est médiocre et souple, ou fait semblant.
Vois, tu t’es fait jeter des pierres à Bruxelles.
Les journaux à sonnette agitent leurs crécelles ;