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L’homme subit, le gouffre agit ; les ouragans
Sont les seuls scélérats et sont les seuls brigands.
Envoyez la tempête et la trombe à Cayenne !
Non, notre âme n’est pas tout à coup une hyène,
Non, nous ne sommes pas brusquement des bandits ;
Non, je n’accuse point l’homme faible, et je dis
Que la fureur du vent fatal qui nous emmène
Peut t’arracher ton ancre, ô conscience humaine !
L’homme qu’hier la mer sauvage secouait,
Répond-il de ce flot dont il fut le jouet ?
Peut-il être à la fois le vautour et la proie ?
Bien qu’ayant confiance en ce qui nous foudroie,
Bien que pour l’inconnu je me sente clément,
Je le dis, l’accusé pour moi, c’est l’élément.
L’élément, dur moteur que rien ne déconcerte.

                          *

Mais faut-il donc trembler devant l’avenir ? Certe,
Il faut songer. Trembler, non pas. Sachez ceci :
Ce rideau du destin par l’énigme épaissi,
Cet océan difforme où flotte l’âme humaine,
La vaste obscurité de tout le phénomène,
Ce monde en mal d’enfant ébauchant le chaos,
Ces idéals ayant des profils de fléaux,
Ces émeutes manquant toujours la délivrance,
Toute cette épouvante, oui, c’est de l’espérance.