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Du paria de l’Inde au nègre du Darfour,
Tout sent un tremblement si ton pavé remue.
Paris, l’esprit humain dans ton nid fait sa mue ;
Langue nouvelle, droits nouveaux, nouvelles lois,
Etre français après avoir été gaulois,
Il te doit tous ces grands changements de plumages.
Non, qui que vous soyez, non, quels que soient vos mages,
Vos docteurs, vos guerriers, vos chefs, quelle que soit
Votre splendeur qu’au fond de l’ombre on aperçoit,
O cités, fussiez-vous de phares constellées,
Quels que soient vos palais, vos tours, vos propylées,
Vos clartés, vos rumeurs, votre fourmillement,
Le genre humain gravite autour de cet aimant,
Paris, l’abolisseur des vieilles mœurs serviles,
Et vous ne pourrez pas le remplacer, ô villes,
Et, lui mort, consoler l’univers orphelin,
Non, non, pas même toi, Londres, ni toi, Berlin,
Ni toi, Vienne, ni toi, Madrid, ni toi, Byzance,
Si vous n’avez ainsi que lui cette puissance,
La joie, et cette force étrange, la bonté ;
Si, comme ce Paris charmant et redouté,
Vous n’avez cet éclair, l’amour, et si vous n’êtes
Océan aux ruisseaux et soleil aux planètes.

Car le genre humain veut que sa ville ait au front
L’auréole et dans l’œil le rire vif et prompt,
Qu’elle soit grande, gaie, héroïque et jalouse,
Et reste sa maîtresse en étant son épouse.