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C’est frustrer son labeur, c’est voler son combat.
A quoi bon avoir tant lutté si tout s’effondre !
Thèbe, Ellorah, Memphis, Carthage, aujourd’hui Londre,
Tous les peuples, qu’unit un vénérable hymen,
De la raison humaine et du devoir humain
Ont créé l’alphabet, et Paris fait le livre.
Paris règne. Paris, en existant, délivre.
Par cela seul qu’il est, le monde est rassuré.

Un vaisseau comme un sceptre étendant son beaupré
Est son emblème ; il fait la grande traversée,
Il part de l’ignorance et monte à la pensée.
Il sait l’itinéraire ; il voit le but ; il va
Plus loin qu’on ne voulut, plus haut qu’on ne rêva,
Mais toujours il arrive : il cherche, il crée, il fonde,
Et ce que Paris trouve est trouvé pour le monde.
Une évolution du globe tout entier
Veut Paris pour pivot et le prend pour chantier,
Et n’est universelle enfin qu’étant française ;
Londre a Charles premier, Paris a Louis seize ;
Londre a tué le roi, Paris la royauté ;
Ici le coup de hache à l’homme est limité,
Là c’est la monarchie énorme et décrépite,
C’est le passé, la nuit, l’enfer, qu’il décapite.
Un mot que dit Paris est un ambassadeur ;
Paris sème des lois dans toute profondeur.
Sans cesse, à travers l’ombre et la brume malsaine,
Il sort de cette forge, il sort de cette cène