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Que dans la liberté superbe du ciel bleu,
Il assiste, à présent qu’il tient l’arme inconnue,
Aux luttes du devoir et qu’il les continue.
Le droit n’est pas le droit seulement ici-bas ;
Les morts sont des vivants mêlés à nos combats,
Ayant tantôt le bien, tantôt le mal pour cibles ;
Parfois on sent passer leurs flèches invisibles.
Nous les croyons absents, ils sont présents ; on sort
De la terre, des jours, des pleurs, mais non du sort ;
C’est un prolongement sublime que la tombe.
On y monte étonné d’avoir cru qu’on y tombe.
Comme dans plus d’azur l’hirondelle émigrant,
On entre plus heureux dans un devoir plus grand ;
On voit l’utile avec le juste parallèle ;
Et l’on a de moins l’ombre et l’on a de plus l’aile.
O mon fils béni, sers la France, du milieu
De ce gouffre d’amour que nous appelons Dieu ;
Ce n’est pas pour dormir qu’on meurt, non, c’est pour faire
De plus haut ce que fait en bas notre humble sphère ;
C’est pour le faire mieux, c’est pour le faire bien.
Nous n’avons que le but, le ciel a le moyen.
La mort est un passage où pour grandir tout change ;
Qui fut sur terre athlète est dans l’abîme archange ;
Sur terre on est borné, sur terre on est banni ;
Mais là-haut nous croissons sans gêner l’infini ;
L’âme y peut déployer sa subite envergure ;
C’est en perdant son corps qu’on reprend sa figure.
Va donc, mon fils ! va donc, esprit ! deviens flambeau.