Page:Hugo - Actes et paroles - volume 8.djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
DEPUIS L’EXIL. — 1884.

M. Deschamps, s’avance vers Victor Hugo, à la tête de ses élèves, et lui dit :

J’apporte à votre cœur, interprète soumis,
Doux et vénéré maître à qui l’enfance est chère,
Les hommages, les vœux de vos jeunes amis,
Et je viens présenter les enfants au grand-père.

Tous un jour ils diront : Je l’ai vu ! De vos yeux
À leurs fronts peut jaillir une secrète flamme
Et pour eux votre vue être un éveil des cieux.
Je leur apprends les mots, vous leur enseignez l’âme.

Victor Hugo serre la main de l’excellent maître d’école et dit à son tour :

Mes chers enfants,

À Veules, je suis chez vous ; accueillez-moi donc comme m’accueillent chez moi mes petits-enfants Georges et Jeanne. Vous aussi, vous êtes des petits-enfants, et, au milieu de vous, qu’est-ce que je veux être et qu’est-ce que je suis ? Le grand-père.

Vous êtes petits, vous êtes gais, vous riez, vous jouez, c’est l’âge heureux. Eh bien, voulez-vous — je ne dis pas être toujours heureux, vous verrez plus tard que ce n’est pas facile — mais voulez-vous n’être jamais tout à fait malheureux ? Il ne faut pour ça que deux choses, deux choses très simples : aimer et travailler.

Aimez bien qui vous aime ; aimez aujourd’hui vos parents, aimez votre mère ; ce qui vous apprendra doucement à aimer votre patrie, à aimer la France, notre mère à tous.

Et puis travaillez. Pour le présent, vous travaillez à vous instruire, à devenir des hommes, et, quand vous avez bien travaillé et que vous avez contenté vos maîtres, est-ce que vous n’êtes pas plus légers, plus dispos ? est-ce que vous ne jouez pas avec plus d’entrain ? C’est toujours ainsi ; travaillez, et vous aurez la conscience satisfaite.

Et quand la conscience est satisfaite, et que le cœur est