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DEPUIS L’EXIL. — 1883.

concitoyens se sont décidés, non sans efforts, à célébrer son apothéose. Cette résolution, un peu tardive, mais sincère, nous a relevés aux yeux du monde, peut-être même à nos propres yeux. Nous nous sentons meilleurs depuis que nous sommes plus justes. Ces querelles d’écoles, dont les hommes de mon âge n’ont pas oublié la fureur, se sont apaisées par miracle devant l’ancien généralissime des romantiques, assis, à côté de Corneille, dans l’Olympe de la littérature classique.

L’œuvre de pacification ne s’arrête pas là. Il s’est produit, grâce à l’illustre maître, une détente sensible dans le monde orageux de la politique ; j’en atteste les hommes de tous les partis qu’une même pensée, un sentiment commun, une admiration fraternelle a rapprochés ici, qui s’y sont assis coude à coude, qui ont rompu le pain ensemble et qui, entre les luttes d’hier et les batailles de demain, célèbrent aujourd’hui la trêve de Victor Hugo.

Aimons-nous en Victor Hugo ! et n’oublions jamais, dans nos dissentiments, hélas inévitables, que le 27 février 1883 nous avons bu tous ensemble à sa santé. À la santé de Victor Hugo !

Quand les applaudissements se sont apaisés, M. Got a soulevé à son tour les bravos dont il a l’habitude en portant le toast suivant :

Messieurs,

C’est un grand honneur pour moi d’avoir été appelé à prendre la parole dans ce banquet.

Je ne le dois qu’à mon âge et à mon rang d’ancienneté ; mais, tout périlleux qu’il me semble d’élever la voix sur un tel sujet et devant une pareille assemblée, je n’ai pas voulu me soustraire à ce devoir, puisqu’il me permet de saluer, en personne, le Maître, au nom de ceux qui représentent ici le théâtre.

Un autre a pu apprécier dignement l’ensemble de son œuvre puissante, au nom des gens de lettres, et vos applaudissements ont prouvé qu’il avait dit — et dit à merveille — notre pensée à tous.

Mais la corde dramatique n’est-elle pas, sinon la pre-