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NOTES.

d’exemples n’a-t-il pas donnés de ce pouvoir prestigieux ! N’avait-il pas en lui le génie d’un grand architecte et d’un voyant alors que, dans les Orientales, il a décrit les villes maudites que le feu du ciel va dévorer ? L’archéologie n’a rien à reprendre à cette création qui devança de beaucoup les découvertes de la science. Hugo avait la divination du poète. Dès ses débuts n’avait-il pas évoqué le moyen âge dans les Odes et Ballades, comme il le fit plus tard dans Notre-Dame de Paris ? Admirateur passionné et juste de notre architecture nationale, il l’a relevée dans l’opinion et a préparé l’action des services publics destinés à la protéger.

Quel sculpteur a taillé, a ciselé avec plus d’énergie et de précision l’image des héros et des dieux, la figure des nations, l’effigie des hommes ? Quelques mots, et c’est assez pour rendre visible tel phénomène de la forme que plusieurs ouvrages du ciseau suffiraient à peine à faire comprendre. Qui ne se rappelle les trois vers dans lesquels il a représenté l’évolution du masque de Napoléon. Exacte observation, vérité historique, sentiment de l’art, tout s’y trouve réuni. Les possibilités de la statuaire y sont atteintes et dépassées. Combien d’autres images sont sorties de sa pensée, les unes comme détachées d’un bloc de granit, les autres comme jetées en bronze, et cela dans une strophe qui étonne l’esprit et, pour ainsi dire, le regard !

Est-ce la variété, est-ce la richesse des formes et du coloris qui font défaut à ce peintre sans égal ? Ceux qui ont lu dans la Légende des Siècles, la pièce intitulée le Satyre, ne sont-ils pas restés, en quittant le livre, comme éblouis et enivrés de couleur et de lumière ? Et puis, cette étude ardente de la nature poussée jusque dans ses profondeurs, ce travail du poète qui suit les mêmes voies que la science, quel exemple et quel enseignement pour l’avenir et pour nous-mêmes !

Que dirai-je de l’harmonie qui déborde de ses poëmes, de coupe et de mouvement si divers. Le rythme suit toujours le sentiment. Il accompagne la pensée, tantôt grave ou léger, tantôt vif ou plein de langueur ; tantôt soutenu comme pour quelque symphonie de la nature ; tantôt brisé comme pour un dialogue ou une plainte ; tantôt solennel comme il convient à la méditation philosophique. Quelle musique que cette poésie ! et combien, même sans tenir compte des mots, elle berce ou exalte l’âme qui s’abandonne au cours mélodieux de la rime et des sons !

Ah ! oui, Victor Hugo est un grand artiste, un artiste complet, le plus grand du siècle. Dans son œuvre il a reconstitué l’unité de l’art, cette unité qui n’existe que dans les antiques épopées. Il a le sentiment de toutes les activités humaines : elles vibrent en lui ; il en est l’interprète ardent. Artiste, il l’est aussi le crayon à la main : ses dessins sont inimitables. Mais sa gloire, comme celle