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XVI

LA LIBÉRATION DU TERRITOIRE

*

Je ne me trouve pas délivré. Non, j’ai beau
Me dresser, je me heurte au plafond du tombeau,
J’étouffe, j’ai sur moi l’énormité terrible.
Si quelque soupirail blanchit la nuit visible,
J’aperçois là-bas Metz, là-bas Strasbourg, là-bas
Notre honneur, et l’approche obscure des combats,
Et les beaux enfants blonds, bercés dans les chimères,
Souriants, et je songe à vous, ô pauvres mères.
Je consens, si l’on veut, à regarder ; je vois
Ceux-ci rire, ceux-là chanter à pleine voix,
La moisson d’or, l’été, les fleurs, et la patrie
Sinistre, une bataille étant sa rêverie.
Avant peu l’Archer noir embouchera le cor ;
Je calcule combien il faut de temps encor ;
Je pense à la mêlée affreuse des épées.