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OFFRES DE RENTRER À L’ASSEMBLÉE.

vous remercie avec émotion. Être l’élu du peuple de Lyon serait pour moi une gloire.

Mais, à l’heure présente, ma rentrée dans l’Assemblée serait-elle opportune ?

Je ne le pense pas.

Si mon nom signifie quelque chose en ces années fatales où nous sommes, il signifie amnistie. Je ne pourrais reparaître dans l’Assemblée que pour demander l’amnistie pleine et entière ; car l’amnistie restreinte n’est pas plus l’amnistie que le suffrage mutilé n’est le suffrage universel.

Cette amnistie, l’assemblée actuelle l’accorderait-elle ? Évidemment non. Qui se meurt ne donne pas la vie.

Un vote hostile préjugerait la question ; un précédent fâcheux serait créé, et la réaction l’invoquerait plus tard. L’amnistie serait compromise.

Pour que l’amnistie triomphe, il faut que la question arrive neuve devant une assemblée nouvelle.

Dans ces conditions, l’amnistie l’emportera. L’amnistie, d’où naîtra l’apaisement et d’où sortira la réconciliation, est le grand intérêt actuel de la république.

Ma présence à la tribune aujourd’hui ne pouvant avoir le résultat qu’on en attendrait, il est utile que je reste à cette heure en dehors de l’Assemblée.

Toute considération de détail doit disparaître devant l’intérêt de la république.

C’est pour mieux la servir que je crois devoir effacer ma personnalité en ce moment.

Vous m’approuverez, je n’en doute pas ; je reste profondément touché de votre offre fraternelle ; quoi qu’il arrive désormais, je me considérerai comme ayant, sinon les droits, du moins les devoirs d’un représentant de Lyon, et je vous envoie, citoyens, ainsi qu’au généreux peuple lyonnais, mon remerciement cordial.

Victor Hugo.