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DEPUIS L’EXIL. — PARIS.

femmes intelligentes, pour tous les hommes de cœur, un encouragement à nous seconder…

« Dites un mot et daignez nous tendre la main.

« Agréez, illustre maître, l’hommage de notre profond respect.

Les dames membres du comité.
Stella Blandy, Maria Deraisme, Hubertine Auclert, J. Richer, veuve Feresse-Deraisme, Anna Houry, M. Brucker, Henriette Caroste, Louise Laffite, Julie Thomas, Pauline Chanliac.

Victor Hugo a répondu :

Paris, le 31 mars 1875.
Mesdames,

Je reçois votre lettre. Elle m’honore. Je connais vos nobles et légitimes revendications. Dans notre société telle qu’elle est faite, les femmes subissent et souffrent ; elles ont raison de réclamer un sort meilleur. Je ne suis rien qu’une conscience, mais je comprends leur droit, et j’en compose mon devoir, et tout l’effort de ma vie est de leur côté. Vous avez raison de voir en moi un auxiliaire de bonne volonté.

L’homme a été le problème du dix-huitième siècle ; la femme est le problème du dix-neuvième. Et qui dit la femme, dit l’enfant, c’est-à-dire l’avenir. La question ainsi posée apparaît dans toute sa profondeur. C’est dans la solution de cette question qu’est le suprême apaisement social. Situation étrange et violente ! Au fond, les hommes dépendent de vous, la femme tient le cœur de l’homme. Devant la loi, elle est mineure, elle est incapable, elle est sans action civile, elle est sans droit politique, elle n’est rien ; devant la famille, elle est tout, car elle est la mère. Le foyer domestique est ce qu’elle le fait ; elle est dans la maison la maîtresse du bien et du mal ; souveraineté com-