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OBSÈQUES DE GEORGE SAND.

Chaque fois que meurt une de ces puissantes créatures humaines, nous entendons comme un immense bruit d’ailes ; quelque chose s’en va, quelque chose survient.

La terre comme le ciel a ses éclipses ; mais, ici-bas comme là-haut, la réapparition suit la disparition. Le flambeau qui était un homme ou une femme et qui s’est éteint sous cette forme, se rallume sous la forme idée. Alors on s’aperçoit que ce qu’on croyait éteint était inextinguible. Ce flambeau rayonne plus que jamais ; il fait désormais partie de la civilisation ; il entre dans la vaste clarté humaine ; il s’y ajoute ; et le salubre vent des révolutions l’agite, mais le fait croître ; car les mystérieux souffles qui éteignent les clartés fausses alimentent les vraies lumières.

Le travailleur s’en est allé ; mais son travail est fait.

Edgar Quinet meurt, mais la philosophie souveraine sort de sa tombe et, du haut de cette tombe, conseille les hommes. Michelet meurt, mais derrière lui se dresse l’histoire traçant l’itinéraire de l’avenir. George Sand meurt, mais elle nous lègue le droit de la femme puisant son évidence dans le génie de la femme. C’est ainsi que la révolution se complète. Pleurons les morts, mais constatons les avénements ; les faits définitifs surviennent, grâce à ces fiers esprits précurseurs. Toutes les vérités et toutes les justices sont en route vers nous, et c’est là le bruit d’ailes que nous entendons.

Acceptons ce que nous donnent en nous quittant nos morts illustres ; et, tournés vers l’avenir, saluons, sereins et pensifs, les grandes arrivées que nous annoncent ces grands départs.